Invité dans “Le grand jury de la presse immobilière”, une émission de Radio Immo à laquelle participait Capital, le président du réseau immobilier Laforêt, Yann Jehanno, revient sur l’interdiction de location des passoires thermiques, à horizon 2028. Un délai qui sera impossible à tenir selon lui, si les dispositifs d’accompagnement ne sont pas améliorés.
A peine adopté par les députés de l’Assemblée nationale, et alors qu’il doit encore passer l’étape du Sénat, le projet de loi climat et résilience fait beaucoup réagir dans le monde de l’immobilier. En cause, surtout : la définition d’une trajectoire d’interdiction de mise en location des logements les plus consommateurs d’énergie, les fameuses “passoires thermiques”, à horizon 2028. Les députés ont pour rappel fixé un calendrier en trois actes : à partir de 2023, les 90.000 logements les plus énergivores seront interdits de location. Puis ce sera, en 2025, au tour de l’ensemble de la classe G de diagnostic de performance énergétique (DPE) et enfin de la classe F, en 2028. Au total, près de 2 millions de passoires thermiques devront donc être rénovées avant 2028, pour être maintenus sur le marché locatif.
Mais ce n’est pas tout, puisque les députés sont tombés d’accord pour intégrer les biens de la classe énergétique E dans cette trajectoire. A partir de 2034, ils seront eux aussi interdits de location. Un calendrier qui serait impossible à tenir en l’état, selon le président du réseau Laforêt immobilier. “La rénovation des passoires F et G d’ici 2028, c’est 2 millions de logements. Or, si on travaille 24h/24, cela représente 800 logements à rénover par jour. Et si on pousse avec la classe E en 2034, c’est 1.000 rénovations énergétiques par jour”, calcule Yann Jehanno, qui affirme que la filière n’est pas prête à tenir une telle cadence.
Autre problème majeur, selon le patron de Laforêt : le coût des rénovations à engager, beaucoup trop élevé pour un grand nombre de propriétaires. Le gouvernement a pourtant mis 1,6 milliard d’euros sur la table pour 2021 et il pourrait être contraint de remettre au pot avant la fin de l’année, face au succès de MaPrimeRénov’. Mais selon Yann Jehanno, ça ne suffit toujours pas… “Non, ce n’est pas ‘robinet ouvert’ pour financer la rénovation énergétique d’un logement qui va coûter 20.000 à 40.000 euros. C’est ouvert à tous, évidemment en fonction des niveaux de revenus (…) mais on parle de 4 millions de logements à rénover. Ce n’est pas possible, c’est un vœu pieux”, proclame-t-il.
Des opportunités à venir pour les agents immobiliers ?
Et de poursuivre : “il faudra trouver une solution pour loger les Français”. Le risque, déjà pointé par la Fnaim et L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), serait de voir un grand nombre de ces logements passoires sortir du parc locatif. Le patron de Laforêt anticipe d’ailleurs un bouleversement du marché, puisque beaucoup de propriétaires pourraient être amenés à vendre, pour éviter d’avoir à engager des travaux. “Je pense qu’il va falloir organiser un marché de la revente (…) pour ces biens locatifs qui vont arriver sur le marché et qu’on incite les investisseurs à faire cette rénovation énergétique dans les délais qui nous incombent”, juge-t-il. Ces mouvements pourraient d’ailleurs constituer une opportunité pour le secteur… Yann Jehanno ne s’en cache pas et confirme que les agents immobiliers continueront de jouer leur rôle “d’accompagnateur” des ménages. “Mais il va falloir inscrire tout cela dans le temps, ce qui signifie peut-être une démarche de formation, peut-être un guichet unique… Mais ce sont des choses qui n’ont pas encore été réfléchies”, conclut-il.